Tout au fond de ta petite tête, tu dois te souvenir que j’avais raconté il y a une deux-moisaine environ, les aventures de Benoît Dorémus et Patrice Mercier, invités des Dimanchanteurs organisés par Patrick Engel. Chez Thénardier à Montreuil, en mars dernier. Ouais, tu te souviens vaguement ?
Et bien, dimanche dernier, le 31 mai pile-poil, en pleine après-midi se tenait la troisième soirée des Dimanchanteurs. Avec une affiche alléchante s’il en est puisqu’elle proposait une paire d’artistes qu’on a pris en affection dans notre tanière à chansons depuis un petit moment. En première partie, un gars aux « origines originales » comme il le chante fièrement, un Creusois de 25 balais avec un talent pas piqué des vers, je parle de Gauvain Sers qui revient régulièrement tapisser (en un seul mot) nos colonnes.
Ce Gauvain, on le suit de près à Hexagone. Bah ouais. On considère qu’il a grave du potentiel pour se tailler un bout de route dans ce chantier sans nom de la rengaine. Son truc, pour l’heure, c’est quand même plus d’envoyer des scuds en chanson que de rouler des galoches pour le situer un peu. Mais il y viendra aussi. Comme aux tournures et formes plus déconnantes à l’instar du roi Renaud qui savait en faire du temps de son activité. Ca remonte. De toutes façons, chanter son dégoût de l’injustice, c’est une autre forme de chanson d’amour. Finalement. Dimanche, il a chanté une petite nouvelle à te mettre la chair de poule. Mon fils est parti au Djihad qu’elle s’appelle. Je crois que tout est dans le titre, je n’ai pas besoin de t’expliquer le contenu, tu viendras au prochain concert pour l’entendre. Oui je fais un peu du teasing, c’est normal, les chansons il faut les vivre en live pour que ça te retourne carrément la tripaille.
Gauvain écrit bien, écrit juste, avec les convictions d’un type normal qui rêve à plus d’humanité, il éprouve le besoin de lâcher ça, avec des mots, juste des mots. C’est son alcool à lui. Mais, si le garçon donne dans la chanson à textes comme on dit alors que ça ne veut rien dire – disons plutôt que le texte est mis en avant – ce serait une belle erreur que de ne pas prêter attention aux musiques du jeune homme. Le gars à la gavroche en velours cotelé sur le chef est un fieffé mélodiste et quand il t’a collé une mélodie dans la caboche, t’es fait comme un rat mon gars ! Elle te trotte dans la tête toute la journée.
Avec son air de ne pas y toucher, sa Gibson J45 comme Kalachnikov, il dégaine des rengaines qui causent des enculés du Front National, de l’endoctrinement religieux terroriste mais sait également se faire léger et déclarer toute son affection à Leprest et Françoise, la taulière du Connétable. Par exemple. Depuis la rentrée dernière, je l’ai vu quelques fois sur scène Gauvain. A chacune de ses prestations, on le sent monter en puissance, prendre possession de la scène et s’y sentir de plus en plus à l’aise. Il prend confiance, il étoffe son répertoire, il pousse. Sans précipitation mais à belle allure. On a hâte de le voir fouler les planches de la Blackroom, on te tient au courant.
La tête d’affiche de la programmation du jour, c’était une jeune femme que l’on kife également ici et que l’on avait reçue en interview en mars dernier suite à sa victoire au Prix Moustaki. Liz Van Deuq, c’est le nom derrière lequel elle officie au piano la plupart du temps. Mais elle le laisse parfois, venant au micro, debout, pour donner un peu de rythme à son set et ne pas le laisser tomber dans la monotonie du piano-voix exclusif.
Piano délaissé, c’est le cas lors de ce que Liz a institué comme une tradition de son spectacle, le poème-minute. En quoi ça consiste m’interroges-tu ? Tu fais bien, je t’explique. A chaque concert, Liz se fixe le défi d’écrire un poème avant de monter sur scène. Rien n’est écrit à l’avance, elle s’y colle une fois qu’elle est dans les parages de la représentation. Eh, je peux te dire que c’est pas du bluff parce que je l’ai surprise à griffonner son poème alors que j’allais aux chiottes avant le spectacle. Oui je sais, je te parle de mon intimité, ça me gêne aussi. Après, en cours de spectacle, elle déclame le fruit de son inspiration.
T’imagines bien que Liz ne te sert pas le Bateau ivre ou Zone. C’est pas le but non plus. Non, tu dois y voir surtout que cette fille, derrière une façade presque classique est pétrie d’humour et en maitrise de nombreux ressorts. Pince-sans-rire, elle est dans une interaction retenue avec le public. Elle explique d’ailleurs avant sa lecture qu’une journée de concert prend énormément de temps en préparatifs et que ça laisse peu de vacance pour écrire des poèmes, « que cela a forcément des conséquences sur le plan littéraire. »
Classique dis-je parce que son cursus l’est plus ou moins, dans le domaine de la musique notamment. An piano dès l’âge de 7 ans, études de musicologie, quand tu vois Liz Van Deuq interpréter aujourd’hui ses morceaux derrière son instrument, tu es quand même un peu sous le choc de te rendre compte que des mains peuvent bouger aussi rapidement sans faire de fausses notes… C’est d’ailleurs sur un morceau de Bach que Liz a terminé son concert dimanche…
Sur ce concert de dimanche, qu’est-ce que je peux te dire ? Si, une ou deux choses quand même. Je n’avais jamais vu Liz sur un concert entier comme il m’était donné loisir ici. Après un ou deux titres à se chercher un peu – il faut dire qu’il n’y avait pas de retour voix et c’était pas simple pour la chanteuse – Liz Van Deuq est entrée pleinement dans le concert. Parfaite maitrise sur les morceaux qui tournent depuis un moment : Des rides, Anna-Liz, Au conservatoire et Chanson qui parle, par exemple. Un régal de mélodies détonnantes sur des thèmes peu usités dans la matière chanson. Mais là où le public a été bien considéré et bien inspiré de snober la fête des daronnes, c’est que Liz a débarqué avec une flopée de nouvelles chansons. Et ça, excuse-moi, je me lâche mais c’est de la balle. Alors, bien sûr, elle ne les a certainement pas encore aussi bien en main que celles du premier album qu’on fredonne sous notre douche (oui, je te parle encore de mon intimité, excuse-moi) mais je te garantis que c’est du tout bon. L’écriture reste d’une exigence sans faille, le style Van Deuq frappe un grand coup, s’estampille. Les mots se mêlent, se croisent, se parlent et se répondent. Ca joue à cache-cache une chanson de Liz Van Deuq, ça prend plaisir à te promener au gré des sens, comme sur ce Béguin qui, au-delà de l’iconoclastie de traiter le thème du bégaiement en chanson, installe le second sens et l’impatience au coeur du morceau.
Disque d’or avait été interprétée en finale du Moustaki. Dimanche dernier, Liz a chanté pas loin d’une dizaine de morceaux nouveaux, inédits. Morceaux qui formeront fort probablement l’architecture d’une prochaine galette et qui présentent de sérieux atouts pour nous ravir. On attend impatiemment.
Salut
Très beau parcours cette Liz, qui m’avait emballé lors de sa première apparition « à la Higelin » dans les auditions Crochet France Inter aux Trois Baudets… Où elle avait terminé 3 ème … Et pour le moment, on n’entend plus beaucoup le lauréat…
Site intéressant bien illustré