Ce lundi 17 novembre, Agnès Bihl venait s’emparer des planches du Forum Léo Ferré. Un des lieux que l’on affectionne particulièrement à Hexagone, tant pour sa programmation, son accueil et l’esprit qui y règne. On avait apprécié Agnès Bihl en mai dernier, aux Bouffes Parisiens, dans ce faste de théâtre à l’italienne. Agnès était en formation complète avec Piano, contrebasse et guitare. Hier, c’est dans une formule plus intimiste qu’elle a présenté son spectacle 36 heures de la vie d’une femme (parce que 24 c’est pas assez). En piano-voix. Accompagnée, comme d’habitude, par Dorothée Daniel.
Le tour de chant, forcément, a été adapté à cette circonstance. Formule ramassée pour un spectacle qui ne l’est pas ! La salle comble – et même un peu plus que ça – en a pris plein ses mirettes et a eu droit à une Agnès en forme, décidée à balancer, sulfater, émouvoir. Très vite, elle a mis tout son monde au diapason, toujours ironisant, que l’on avait « une vraie gauche au pouvoir, » par exemple. En gros, que la vie allait être belle puisqu’on nous la promettait ainsi. Pourquoi douter ? Remettre en question la parole de nos élus ? Et c’est l’heure d’un Bla bla bla, bien senti, une espèce de miroir tendu à la gent politique de tout poil qui nous prend pour des couillons depuis la nuit des temps. On n’est pas certain que ça changera demain mais résister est un acte de salut public, un gène qu’a toujours porté Agnès.
Quand la parole militante, politique et sociale, se tait, c’est pour prendre un autre flambeau flamboyant. Celui de la femme touchée, blessée, meurtrie par un homme qui est allé aimer plus jeune ailleurs. Pleure pas Casanova, admirable portrait de couple cassé, rasé, mais histoire de couple tout de même. Homme laisseur laissé qui revient quérir – que vient-il quérir finalement ? – son abusée. Un dépit de boisson mais pas seulement. Face à lui, une femme qui a fait sa résilience, qui aime ou pas mais qui a le cœur enflé comme une outre et qui propose l’amitié quand l’amour n’est plus possible. Moment d’émotion intense et fort. Agnès n’est jamais aussi touchante que dans ce registre. Celui où elle montre à la fois sa force et ses faiblesses. Moment où l’homme normal que l’on est, que je suis, prend sa lâcheté en pleine face et s’avoue secrètement que la Femme a bien souvent les attributs qui font défaut à la mâle engeance.
Si Agnès Bihl est une femme de tête, qui tient tête dans ses luttes et ses combats, elle est aussi une femme de mémoire parce qu’elle sait que l’Histoire écrit notre avenir. Elle vient cueillir le public, avec Le Baiser de la concierge. Une lame de fond que cette histoire de François, Myriam et Serge. Une histoire de cache-cache durant l’Occupation, trois gamins juifs balancés par la concierge, qui « était comme les autres, une ordure ordinaire. » Agnès Bihl, ce serait peut-être l’opposé de cette concierge. A savoir, une femme qui jamais n’abdique, qui toujours combat et sait aimer son prochain peut-être mieux que soi-même.
Ne va pas t’imaginer, sensible Lecteur, que la soirée de lundi était consacrée aux titres plombants. Loin s’en faut. Quand elle nous a bien mis en vrac Agnès, elle poursuit avec un titre plus déconneur. Parce que quand même, cette meuf, elle aime bien déconner aussi. On n’est pas obligée d’avoir l’engagement triste tiens ! Alors, on retrouve nos souvenirs de 13 ans avec bien le sourire. 13 ans, chanson des débuts d’Agnès que l’on ré-entend avec plaisir dans ce tour de chant, tout comme L’enceinte vierge, interprétée lundi, avec là encore un besoin viscéral de dénoncer les saloperies les plus abjectes. Interprétée aussi avec beaucoup de sobriété, sobriété que Agnès perdra – pour du faux ! – sur Gueule de bois. Au final, c’est le public qui repart après une soirée de vraie ivresse dans ce forum. Il repart comme il est venu mais les idées remises d’aplomb, et avec l’envie de croire que les lendemains peuvent chanter.
Toutes les photos de l’article sont cliquables pour les agrandir. Parce que c’est plus beau !
Pour la vidéo ci-dessous de Pleure pas Casanova, passe la qualité en HD, c’est plus beau aussi !