A mi-parcours de l’aventure Festival de Marne 2014, Hexagone avait jeté son dévolu, samedi 11 octobre, sur les concerts donnés à Maisons-Alfort. Le festival avait programmé le Brestois Miossec en tête d’affiche, très visible dans les médias, mais notre intérêt nous avait poussés vers la première partie, à savoir Marie Modiano, et ce bien avant que Modiano père ne soit couronné de la plus haute distinction littéraire. On voulait voir Marie pour les bonnes raisons, pour elle, pour ses chansons.
Depuis 2006 et la sortie de son premier album I’m not a rose, Marie revient régulièrement nous faire découvrir de nouvelles chansons. Outland en 2008, comme le précédent, présentait des morceaux composés et entièrement écrits en anglais par Marie. L’an dernier, deux albums de très haute tenue avait paru concomitamment. D’un côté, Ram on a flag dans la directe lignée d’I’m not a rose et Outland. Textes en anglais, musiques pop rock qui cheminent sur un fil jazzy. De l’autre côté, plus étonnant est l’album Espérance Mathématique. Projection discographique du recueil de poèmes, Espérance Mathématique, paru en 2012, ce disque fait entrer Marie Modiano dans la chanson d’expression francophone. Et de quelle manière ! Sur des musiques composées par Peter Van Poehl – compagnon de Marie à la ville comme à la scène depuis 2005 – dans un phrasé précis, qui prend le temps de dire, Marie Modiano raconte des histoires inspirées, inspirantes où le cinéma et la littérature prennent une part d’importance.
Samedi soir, Marie Modiano s’est produite en formation réduite sur la scène du Claude Debussy. S’installant derrière un clavier Nord elle a été accompagnée à la Gibson acoustique, par ce même inséparable Peter Van Poehl, tout au long du set.
Une petite dizaine de chansons pour se présenter, présenter son œuvre et tenter de convaincre un public qui n’est pas forcément venu vous voir, vous. C’est toujours délicat et inconfortable comme position pour un artiste mais cela fait partie de l’apprentissage indispensable d’un métier qui ne s’improvise pas comme l’explique très clairement Marie. « La scène, c’est quelque chose qui s’apprend et qui ne ment pas. Autant on peut trouver des arrangements sur un disque, mais sur scène c’est impossible. Plus on fait des concerts, plus on s’améliore. Le plus difficile est de trouver le juste milieu entre la concentration de la maitrise technique et le fait de se laisser aller pour délivrer un maximum d’émotion au public. »
De l’émotion, il y en a eu. On en aurait cependant goûté davantage, repris une part. Le format de la première partie est, hélas, un peu trop court pour laisser à l’artiste le temps suffisant d’installer durablement un climat. Les chansons de Marie Modiano ont cette faculté de libérer comme des empreintes d’atmosphères, des nappes qui portent le spectateur dans un ailleurs le temps d’une chanson. Searching for Pearl (Voir vidéo ci-dessous), issue de l’album Outland, en offre une belle démonstration. Le tout, diffus dans une lumière tamisée qui apporte un jeu sur les ombres et l’on se croirait, alors, dans Le Troisième Homme de Carol Reed, scénario de Graham Greene. Graham Greene qui est au demeurant un des titres d’Espérance Mathématique dont Marie Modiano a interprété, sur scène, la prenante Place du Châtelet.
Toujours très discret, Peter Van Poehl tient cependant un tout premier rôle dans l’architecture scénique. Tantôt en arpèges, tantôt en rythmiques, tantôt utilisant sa guitare davantage comme une percu, Peter apporte des compléments d’âme aux morceaux. De la poésie sur les textes parlés avec la présence d’une guitare presque évanescente. Du rythme sur les morceaux plus pop et dynamiques rappelant ainsi que Marie Modiano installe progressivement un univers qui lui est propre et varié, authentique, un univers qui déborde la chanson et la pop-folk. Une synthèse réussie d’influences réunissant sous un même toit Dylan, Cohen, Gainsbourg, Allen Ginsberg, Nick Cave, Patti Smith et Marianne Faithfull. Avec la poésie en dénominateur commun.
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