Mon amoureuse s’appelle RobERT… la chanteuse.

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@Guillaume Rabeyrin

RobERT la chanteuse a accepté de nous livrer quelques confidences sur son univers, son parcours atypique et ses nouveaux projets, pour notre plus grand plaisir et notre âme trouble d’enfant… Un grand merci à elle.

 

Hexagone : Ma mère, ma femme, mon amoureuse s’appelle Robert… qu’est-ce que ça fait d’avoir été rebaptisée d’un prénom d’homme par son amoureux ?
RobERT : Je n’étais pas obligé d’accepter! D’une provocation c’est devenu un nouveau baptême par celui que j’aime.

Hexagone : Est-ce que le fait de s’appeler Robert change ton rapport à la création, à ton corps, à la scène?
RobERT : Non, je ne crois pas, mon baptême fut concomitant avec mes premières créations, c’est un tout. De plus, je ne joue pas sur l’androgynie.

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@ Guillaume Rabeyrin

Hexagone : Est-ce que l’on se permet plus de choses quand on est un homme ?
RobERT : Ah oui ! sur tellement de niveaux. Malheureusement.

Hexagone : Passons rapidement sur les filiations douteuses : j’ai toujours trouvé étrange que Robert soit comparée à une autre chanteuse, si ce n’est une affinité capillaire orange sanguine il y a longtemps… ça a pu t’énerver franchement, ça a été parfois une barrière dans ta carrière ?
RobERT : On m’a dit que c’était typiquement français de comparer une nouveauté à une ancienneté. Donc je n’y ai pas coupé ! Après, oui, ça a servi de prétexte pour m’écarter d’une Play-list ou autre. Mais si ça n’avait pas été ça, ça aurait été autre chose. Il faut faire avec. Quant aux barrières, tout le monde doit en franchir sauf peut-être chez les Bisounours.

Hexagone : Comme tu le disais justement, il y a une facilité à ranger les chanteuses dans deux cases : chanteuse à voix ou chanteuse à filet de voix. Tu as dit que cette voix aiguë, presque lyrique était un choix et pas une limite vocale. Y a-t-il des choses que tu n’as pas encore osé tester avec ?
RobERT : Tout dépend du besoin, de ce qui va servir au mieux un texte ou une musique. L’émotion d’une voix soufflée sied plus à la douceur, la mélancolie, l’enfance. Après les paradoxes sont aussi les bienvenus. Chanter quelque chose de cruel avec une voix douce me plaît assez.

Hexagone : Tu ne joues pas d’instrument (sur scène ou disque en tout cas), c’est volontaire ?
RobERT : Oui, bien que j’aie longtemps étudié le piano c’est resté étranger à mes désirs d’expressions.

Hexagone : Tu disais que tu exprimais à Mathieu tes envies musicales par des images, des formes, n’est-ce pas contraignant parfois ?
RobERT : Ce n’est pas systématique, mais c’est un bon moyen. Des grimaces, des gestes abstraits en disent long sur les sentiments.

Hexagone : En pensant à toi je pensais aussi à Emilie Simon, pour le côté électronique et parce qu’elle aussi parle en terme de matières/ textures au niveau des sons : es-tu toi-même une bidouilleuse de sonorités ?
RobERT : J’aimerais l’être encore plus, mais je me lasse vite des machines. Mathieu prend le relais. Ce qui me permet d’avoir plus de recul sur une production. C’est précieux dans notre manière de travailler, même si je peux me conduire de façon lapidaire parfois, avec lui. Mais il est habitué.

Hexagone : L’électronique a toujours été très présente, notamment sur l’album Sine qui est peut-être l’album le plus cold de Robert, je pense d’ailleurs au très épuré clip Les clichés de l’ennui, et là tu reviens avec un album concept Plastic Art Noise avec l’artiste Alienskin… L’électronique et Robert une histoire de… ?
RobERT : …d’incision. Les sons électroniques et cette culture me semblent très pénétrants. Facteur d’imaginaire sans fin. Le risque est de s’y perdre ou de ne se contenter que de peu. Les machines sont tellement performantes quelles peuvent pallier à un manque de créativité, la frontière est mince entre pertinence ou faiblesse. Vaste sujet.

Hexagone : L’album Plastic Art Noise est très plastique justement. Tu as toujours soigné ton image et tes clips et là tu sembles pousser l’expérimentation plus loin en développant un album cinématographique qui serait une sorte de conte moderne à suivre de clip en clip. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
RobERT : Avec George (Pappas, AlienSkin) nous nous sommes rencontrés via le net. Après plusieurs échanges, nous avons eu envie de collaborer sur un titre, puis deux… Puis je lui ai proposé de créer un groupe inter-continental ! sur une base de chanson en duos. Ça a très bien fonctionné, d’où Plastic Art noise. J’adore sa voix et son univers. Je crois que la réciproque est vraie. La rencontre avec le photographe Grégory Pierre a contribué à ce développement cinématographique. J’avais beaucoup aimé le film Dolls de Takeshi Kitano où deux jeunes adultes errent au Japon (entre autre). Ce fut la base du projet de clip. Puis l’envie de décliner comme une « série » une histoire a abouti à ce tetraptyque en cours de diffusion. Grégory Pierre a énormément travaillé pour ça, ce fut une vraie chance pour moi.

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@ Guillaume Rabeyrin

Hexagone : Je parle de conte, ce n’est évidemment pas un hasard… Robert a été princesse, sirène, gueuse… elle a déjà eu mille visages, s’il ne devait rester qu’une héroïne, tu serais ?
RobERT : La petit fille aux allumettes

Hexagone : Il existe un livre de Pierre Péju qui considère que les héroïnes des contes ne sont pas des victimes mais presque des guerrières, tu chantes toi-même « à la guerre comme à la guerre » ne serais-tu pas plutôt Malbrough s’en va-t’en guerre plutôt que Princesse Robert ?
RobERT : J’ai toujours ressenti que les princesses n’étaient pas des êtres langoureux et attentistes, encore moins des héritières d’un patrimoine génétique divin, mais, effectivement, des guerrières. Prêtes à tous les sacrifices pour aller au bout de leurs désirs du coup, souvent de princes, mais aussi de liberté. Je ressens la princesse comme un idéal de combativité et d’émancipation, un symbole.

Hexagone : D’ailleurs, si on devait revisiter Tout ce qu’on dit de toi, l’une de tes chansons, quels sont les mots qui parlent le mieux de Robert 2.0 ?
RobERT : tu n’es pas…la victime…

Hexagone : Robert est l’héroïne du Robert des noms propres d’Amélie Nothomb : une expérience unique ou une expérience à renouveler ?
RobERT : Encore faut-il qu’un écrivain s’y mette ! Pas de mon fait en tout cas.

Hexagone : Ton compagnon de ville et de scène, Mathieu Saladin, semble d’ailleurs être en quête d’un auteur dans son album solo Colonel : à quand la réunion de vos deux personnages ? Un auteur en tête ?
RobERT : Même réponse, ça ne peut pas venir de nous. On ne va pas demander : « vous pouvez écrire notre histoire ? » L’aventure avec Amélie Nothomb s’est passée comme ça, c’est à dire que c’est elle qui était demandeuse d’écrire cette biographie romancée.

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@ Marion Charreau

Hexagone : Tu as un public très fidèle avec qui tu communiques beaucoup et il se trouve qu’avec certains de beaux projets voient le jour, je pense à l’un des derniers en date qui est ta rencontre avec l’incroyable Denise Jardinière (Thibaut Boidin) et le clip de Débutante. On dit qu’on a le public qu’on mérite, tu sembles choyée des fées, non ?
RobERT : Je travaille depuis longtemps et régulièrement avec des gens issus du public. Fan ou moins, mais qui ont été sensibles à ce que je faisais avant de me proposer leurs services. Ça n’a pas toujours fonctionné bien sûr, mais dans l’ensemble nous en gardons de très bons moments et des créations formidables. Certains ont été déçus de me rencontrer en vrai ! mais d’autres sont restés de vrais amis, travaillant toujours avec moi, ou pas.

Hexagone : Serait-ce comme une vie rêvée ? Tu as dit un jour que tous ces gens qui te disent qu’ils t’aiment, cela a quelque chose à voir avec voler au-dessus de la réalité… RobERT a-t-elle encore des rêves ?
RobERT : Je crois qu’il faut être en manque affectif pour solliciter l’adhésion d’un public, un manque ancien bien sûr, sinon on ferait un concert et puis hop! c’est bon! passons à autre chose. Mais non, il faut recommencer sans cesse, pour se rassurer d’exister pour le plus grand nombre. Les rêves restent, l’énergie fluctue…

@ Scalp Art
@ Scalp Art

Hexagone : Un élément essentiel dans ton univers : la danse. Il n’y a pas d’équivalent si ce n’est Catherine Ringer… tout en toi est danse, est-ce que tu considères ton corps comme un instrument ou est-ce si naturel que tu n’y penses pas ? Est-il un support de création ?
RobERT : La danse est la base de ma féminité. Sûrement lié au moment de ma rencontre avec cet art, la pré-puberté. Elle est donc omniprésente dans mes créations. Indissociable du rendu visuel que propose une musique, chantée ou pas.

Hexagone : Dans une interview tu parlais de l’amour, du désir et tu disais que le papillonnage ne t’intéressait pas et que tu trouvais qu’avec le temps le désir, pour une personne choisie, devenait de plus en plus épidermique, je trouve que c’est une idée assez revigorante loin des discours blasés… la danse sollicite aussi le charnel ; Robert est-elle un être profondément épidermique ? Une grande amoureuse ?
RobERT : Ma vie sentimentale est ainsi faite, effectivement. J’ai eu le choix, j’ai choisi. Ce n’est pas une vérité. C’est juste ma vie. Plus qu’épidermique je dirais olfactive. Et oui, une grande amoureuse de Mathieu !


 * Mathieu Saladin : compositeur et musicien de Robert depuis 1990

* Sine – Robert – DEA – 1993

* La petite fille dans la forêt des contes – Pierre Péju – Robert Laffont – 1989

* Malbrough s’en va t’en guerre – chanson populaire et comptine pour enfants datant du 18e siècle

* Tout ce qu’on dit de toi – sur l’album Princesse de rien – DEA – 2000/2007

* A la guerre comme à la guerre – sur l’album Celle qui tue – Trema – 2002 (réédition DEA 2007)

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