Gauvain, dans la maison un grand Sers

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Photo David Desreumaux
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La gavroche vissée sur le crâne et taillant la discute au bar des Trois Baudets qu’il était Gauvain Sers lorsque je suis arrivé !

Je me suis assis, de dos, et sa voix devisant avec quelques amis de même accoudés au zinc me rappelait tantôt Wladimir Anselme, tantôt le renard avant sa mue excessive. Plutôt période 75, si tu vois ce que je veux dire.

Le rencard aux Trois Baudets, pour ce 1er octobre, je l’avais pris il y a un moment s’il t’en souvient. J’avais dit, dans ces colonnes, rapidement, tout le bien que ce creusois m’inspirait et m’étais promis de l’aller voir défendre ses ritournelles sur scène. Voir ce que elles et lui avaient dans le bide. Parce que un chanteur c’est comme une chanteuse, c’est quand même sur scène que ça se juge vraiment.

Photo David Desreumaux
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C’est toujours court la partie découverte aux Trois Baudets. L’artiste qui passe en prem’s a juste quatre chansons pour lustrer le plancher et s’attirer les faveurs du public. A cet horaire de tout début de soirée, la salle est rarement bondée et en cela hier n’a pas fait mentir la règle.

Mais face à cette modeste mais réceptive audience Gauvain Sers a su apporter le dynamisme, la bonne humeur et le côté un brin chafouin qui procurent de suite les clés de la réussite d’un bon moment. Histoire de planter le décor, il a annoncé qu’il n’avait pas préparé « d’entre chansons » et que – du coup –  il ne serait pas fort disert. De l’intox je te dis, c’était préparé tout ça ! Et ça tombait juste, ça s’enchainait plutôt très bien.

Photo David Desreumaux
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Depuis le premier EP paru l’an dernier, Gauvain ne cesse d’écrire et d’apporter de nouvelles chansons à ses tours de chants (un album complet devrait voir le jour en 2015). Hier, il n’a chanté aucun des titres de l’EP mais des morceaux plus récents qui montrent l’évolution dans l’écriture de ce jeune auteur-compositeur-interprète. Il a commencé son concert par un texte, parlé, à la manière du Poème de Renaud, en 1980 environ. Je chante pour grandir que ça s’appelle, une manière de manifeste en faveur de son art rimé comme pour mieux faire oublier que le jeune homme a un diplôme d’ingénieur en poche, et qu’au lieu de nous faire profiter de ses bien belles ritournelles, il pourrait être cadre chez Airbus ou chez Safran. Nous, on le préfère aux Trois Baudets. Franchement.

Puis, mine de rien, il a balancé Comme chez Leprest, très bel hommage non seulement à l’Allain à deux ailes mais à Françoise, figure patronnesse du Connetable, célèbre maison cabaret du Marais parisien, rue des Archives. C’est aussi beau qu’inattendu de la part d’un gaillard d’une vingtaine d’années d’aller faire sa révérence sur ce terrain de la chanson de proximité si loin du grand public. Cette chanson est une bombe d’émotion. Seul sur scène, avec son inséparable Gibson sunburst folk chevillée au corps, dans la jolie pénombre d’une scène toujours aussi mal éclairée aux Trois Baudets, Gauvain se livre. Il parle de L’Écharpe de Maurice (Fanon). Il raconte qu’il vient avec ses potes respirer le lustre des légendes, dire les textes d’Allain et de Dimey, et qu’il est toujours assis à la même place, « un peu comme chez Leprest, quand on y est, on y reste. Tout est beau, même l’ardoise, chez Françoise ». Une Françoise qui revit dans la fraicheur des ces gosses qui font tourner la guitare comme d’autres font tourner le pétard.

Photo David Desreumaux
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Le concert monte progressivement en énergie, devient plus péchu sur des titres tout indiqués ! Hénin-Beaumont, histoire de montrer que la chanson contestataire n’est pas moribonde, puis, A quoi tu penses sur ton tracteur pour signifier que si Gauvain sait envoyer des coups de poing dans la gueule du FN, il sait aussi se faire tendre et un poil nostalgique. Ce rapide récital se conclut avec Dans mes poches. « Si tu viens fouiller tout au fond / Archéologue du pantalon / Tu trouv’ras plein d’choses sympatoches / Au milieu des miettes de brioche / Avec mes clés qui s’baladent / Y a quelques pièces quand j’suis en rade / Et si une mélodie m’accroche / J’griffone des noires et des croches / Dans mes poches », morceau qui fait la synthèse des influences majeures de Gauvain Sers, de Dans ton sac de Renaud à J’écris faux, je chante de la main gauche de Benoît Dorémus. Ajouté à parfois quelques petites maladresses de textes, c’est ici le seul reproche que l’on pourrait formuler à Gauvain, de coller d’encore un peu trop près aux Phares. Mais bon, les nouveaux morceaux montrent que  Gauvain travaille cet aspect-là également et qu’il progresse rapidement, très rapidement. Et qu’il ne tardera pas à s’affranchir totalement.

Tu pourras aller vérifier par toi-même le 27 novembre prochain au Forum Léo Ferré, à Ivry, par exemple.


Photos & Vidéo : Toutes les photos de l’article sont cliquables pour être agrandies. Pour la vidéo, ci-dessous, pense à passer la qualité en HD 720 ou mieux encore en 1080. T’auras l’impression d’y être !


 

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