Claire Elzière chante les voix qui se sont tues

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David Desreumaux
Photo David Desreumaux
Photo David Desreumaux

Ce samedi 27 septembre 2014, Claire Elzière faisait L’Européen pour présenter son nouvel album d’interprétations de textes d’Allain Leprest.

Je suis arrivé en avance. Le temps de faire les réglages, les tests de l’appareil photo. D’avoir une place correcte et de pouvoir shooter sans faire chier déranger le voisin ou la voisine.

La salle s’est remplie petit à petit pour finir pleine comme un oeuf. Ca fait plaisir de voir des salles pleines. Du monde et du beau monde ! Ca causait dru aussi. Des fois assis, souvent debout et ça sentait la bonne humeur du samedi soir à Paname.

La scène était fin prête et d’un raffinement simple et élégant. Deux lampadaires au tissu rouge plissé envoyaient des lux diffus et apaisants. Au sol, les instruments patientaient. Une contrebasse couchée sur le côté attendait son manipulateur, un oud accoudé négligemment au podium semblait se concentrer pour le grand moment. Un ukulélé accroché à son stand ressemblait à un nouveau né. Un apprenant qui observait les grands frères et les grands faire.
Un beau demi ou quart de queue Yamaha, pimpant préparait en silence ses premiers accords.

Celle que l’on attendait dans cette salle mythique de L’Européen hier soir, c’est Claire Elzière. Une chanteuse. Une interprète, plus exactement, comme il y en avait des belles et des fameuses à l’époque où existaient encore les lieux pour les entendre. Tu vois, Claire, c’est la filiation des Fréhel, Berthe Sylva, Cora Vaucaire, Juliette Gréco, Francesca Solleville. Rien de moins.

Photo David Desreumaux
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Tout récemment, est paru le dernier album de Claire. Après avoir chanté Pierre Louki, cet album  présente 14 interprétations de textes d’Allain Leprest. Dont dix inédits. Leprest, pour te rafraîchir la mémoire, c’est un monstre sacré littéraire qui a donné à la chanson d’expression parmi ses plus belles lettres de noblesse. Aussi talentueux qu’inconnu auprès du grand public… Disparu à l’été 2011, Leprest a laissé un grand vide dans la chanson qui, disons tout net, ne sera jamais comblé. Il y aura certes autre chose, soyons optimiste, mais Leprest n’est plus, il est mort pour toujours.

Faut-il pour autant ne plus toucher à l’oeuvre de Leprest, de peur de n’être pas à la hauteur, de ne pas suffisamment l’honorer ? Que nenni ! Il l’a bien dit le fou chantant que « Longtemps, longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent encore dans les rues ». Message reçu pour Claire Elzière. La meilleure façon de le convoquer parmi nous, c’est de faire ce que fait Claire Elzière. Le reprendre. Le chanter. Et comment !

Photo David Desreumaux
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Leprest, impressionnante bête de scène était éructant et on l’adorait aussi pour ça. Chez Claire, c’est tout en féminité que les messages vont passer. Sans manières, sans chichis. Une diction claire et précise, qui donne aux mots d’Allain une couleur différente. Ça reste du Leprest, ça s’entend dès le premier vers !  Les mots, les images fulgurantes viennent en permanence nous le rappeler. Mais Claire s’approprie la langue de son aîné, langue parfois bien masculine qu’elle déclame avec assurance, quand il s’agit de parler de « coupeur de bites en deux » par exemple.

Pas de maniérisme, pas de mauvaises imitations donc. La grande réussite de l’exercice réside dans la simplicité musicale et d’interprétation retenues par Claire Elzière et sa bande. Il s’en dégage non pas une modernité mais une contemporanéité qui parle à tout le monde et qui aura séduit la diversité du public présent dans la salle.

Finalement, chanter Leprest, c’est également une évidence. N’a-t-il pas été, en parallèle de sa carrière d’ACI, un simple parolier ? Comme pour Francesca Solleville par exemple, dont Claire a repris hier soir deux titres dont la fabuleuse Les p’tits enfants d’verre. Le talent de Leprest est aussi dans la capacité à avoir su écrire, à la fois pour lui mais pour d’autres, en s’adaptant toujours mais en conservant toujours sa marque de fabrique : la boîte à images. « Une mirabelle au bois dormant » et quelques centaines du même tonneau…

Photo David Desreumaux
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Sur scène avec la fidèle équipe musicale que l’on trouve sur l’album, de Dominique Cravic (guitare, ukulélé) qui a composé bon nombre des musiques de l’album, en passant par Grégory Veux au piano et Jean-Philippe Viret à la contrebasse, l’alchimie prend d’entrée, monte progressivement et l’émotion est parfois bien vive. L’interprétation de SDF de Claire Elzière, toujours emprunte de simplicité, est bouleversante. Que dire d’Osaka à Tokyo, qui narre les derniers instants d’un type dans un avion en train de se crasher… A une certaine froideur des morceaux que l’on a pu ressentir sur l’album – mais c’est bien le problème des enregistrements – les versions live apportent la chaleur, l’humanité, le sens inné du partage qui étaient dans l’ADN d’Allain Leprest.

La soirée pouvait faire craindre l’exercice obligé de l’hommage à la fois poussiéreux et larmoyant. Non seulement il n’en a rien été mais en conviant de très nombreux invités sur scène, presque à chaque chanson – dont Pierre Barouh en personne – c’est bien plutôt une fête qui n’aurait pas déplu à Leprest lui-même qui s’est jouée sous nos yeux, avec nous. Une presque communion générationnelle. Finalement, par la voix de Claire Elzière, Allain Leprest – qui fit longtemps peintre en bâtiment – après avoir souvent peint les cloisons, aura contribué à les faire tomber.

Claire Elzière sera au Lucernaire tous les dimanches de janvier prochain. On ne saurait que trop t’inciter à y aller !


Ci-dessous, un extrait du concert en vidéo. Passe la qualité en HD, tu verras, c’est mieux.

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