En décembre 2001, Sarclo posait ses valises pour 5 semaines en solo au Sentier des Halles, à Paris. Il venait de sortir L’amour est un commerce (mais la décharge est municipale). A l’époque Hexagone s’appelait L’art-scène, c’était un des tout premiers webzine dédié à la chanson qui naissait. Sarclo nous avait reçus, dans sa petite loge, avait offert le ballon de rouge, et avait répondu en toute simplicité et avec toute sa gentillesse, à nos questions. Cette interview expérimentale avait été montée en audio. On y entend Sarclo se faire les ongles avant de monter sur scène, on y entend également le live 66 de Dylan en arrière plan. Beau moment, beau souvenir. Un Sarclo tel quel, comme on l’aime !
Hexagone : Sarclo, tu es une sorte d’artiste multicolore, au registre artistique si varié qu’il est difficile de te situer réellement. Comment te définirais-tu en quelques mots et où te situerais-tu sur l’échiquier de la chanson ?
Sarclo : Prévert disait : « il ne faut pas dire gai comme un pinçon… »
Hexagone : Dans tes chansons, tu passes de la gaieté à la tristesse, de la douceur à la colère. Est-ce pour toi une façon d’éviter de te voir coller une étiquette ?
Sarclo : Non, moi les étiquettes je ne fais rien pour elles, je fais des chansons qui m’intéressent moi…
Hexagone : Est-ce là une forme d’authenticité ?
Sarclo : Oui. Il y a des valeurs dans le mot « authenticité », moi je ne m’attribue pas ces valeurs-là…
Hexagone : Tu es architecte de formation. Pourquoi avoir arrêté pour la chanson ?
Sarclo : Je n’ai pas vraiment arrêté. Je fais encore un peu des maisons. Un peu pour ma famille…
Hexagone : C’est le « blues du béton » en fait ?
Sarclo : Le béton c’est un matériau formidable. Mais, il est mal proposé souvent…
Hexagone : Est-ce une volonté de partager ta vie entre chanson et architecture ?
Sarclo : Ben chanteur, c’est vendredi samedi beaucoup…
Hexagone : Que t’apporte ce métier de chanteur ?
Sarclo : Ben écoute, on traverse la vie avec la seule chose sûre c’est qu’on va crever. On a qu’un coup pour s ‘amuser…
Hexagone : Qui t’a donné envie de te lancer dans la chanson ?
Sarclo : Dylan, Boris Vian…
Hexagone : Qu’est-ce que la chanson pour toi ? Quel doit être son rôle ? Qu’est-ce qu’une bonne chanson selon toi ?
Sarclo : Voltaire disait « je ne pardonne à un livre que s’il m’apprend quelque chose ». Les chansons peuvent ne rien apprendre à personne…
Hexagone : Parmi les groupes ou artistes d’aujourd’hui, qui écoutes-tu, qui admires-tu ?
Sarclo : J’ai beaucoup d’estime pour la vie de gens qui ont un petit rayonnement…
Hexagone : Tu reprends souvent d’anciens titres que tu revisites comme sur L’amour est un commerce. Pourquoi ? Une chanson ne serait-elle jamais aboutie ? Toujours à réécrire ?
Sarclo : Ben tu vois, un album de Brassens c’était dix chansons. Et puis, la rondelle de 25 cm qui sortait, elle pouvait faire dix chansons…
Hexagone : As-tu déjà essayé d’écrire pour d’autres ?
Sarclo : J’ai essayé. Mais ça sort pas tellement…
Hexagone : Actuellement au Sentier des Halles, tu es seul sur scène. Pourquoi ce choix de one man show ? Que t’apporte la scène où tu sembles prendre un réel plaisir ?
Sarclo : J’ai un réel plaisir et mon producteur français, Jacques Aleveque, aime bien me voir seul. C’est comme ça qu’il a envie de répandre le fait que je fasse des bonnes chansons…
Hexagone : Ton spectacle dure une heure trente. Est-ce toi qui définis ce format ou bien t’est-il imposé ? Ce format te convient-il ?
Sarclo : Les salles à Paris, il y en a où tu as toute la soirée, où tu peux faire ce que tu veux…
Hexagone : Que penses-tu des groupes ou des artistes qui s’impliquent dans des causes politiques comme le font Noir Désir ou Manu Chao auprès d’ATTAC par exemple ? Crois-tu qu’ils sont sincères ?
Sarclo : Moi je fais beaucoup de concerts à l’œil pour les gens qui me demandent un truc pour les sans papiers…
Hexagone : Les artistes ont-ils donc un rôle à jouer vis à vis de la société ? Serais-tu prêt à t’y impliquer ?
Sarclo : Bien sûr qu’il y a des jours où j’ai envie de me foutre en pétard mais en même temps, ma façon de penser les choses est trop perpendiculaire…
Toutes les photos de l’article sont cliquables pour être agrandies. Toutes les photos datent de 2002 et ont été prises par Flavie Girbal. C’était encore le temps de l’argentique… Donc, si tu as suivi, ces photos n’ont pas été prises le jour de l’interview mais quelques mois plus tard. Mais toujours au Sentier des Halles.