En 2015, HEXAGONE avait interviewé Romain Delorme et Maxime Rouayroux, respectivement bassiste et batteur de VOLIN. Sans Colin Vincent, le chanteur et auteur des textes, donc. A leur passage au Zèbre de Belleville, le 28 mars pour le concert de sortie de leur premier album VOLCAN, nous avons cette fois-ci réussi à alpaguer l’intégralité du trio. On te les a alignés tous les trois sur une banquette au fond du bar Les triplettes de Belleville pour les cuisiner sévère. Pas mis longtemps à avouer nos trois Montpelliérains : leur son rock indé doit certes à des groupes anglo-saxons mais leur amour de la rythmique du verbe les rapproche d’un Philippe Katerine et sans doute aussi d’un Bashung, auquel ils ont rendu hommage en 2012.
Hexagone : En octobre 2015, vous aviez fait vos gammes avec votre premier EP et vous prépariez Volcan. Le premier album est une étape cruciale du parcours d’un jeune groupe. Comment avez-vous vécu cette période ?
Romain : Nous ne ressentions pas vraiment « l’urgence » du format album. A l’origine, nous avions même songé à un second EP. Au vu du nombre de titres, c’est devenu un enchainement logique, puis une évidence. La visibilité que nous avait donnée notre participation aux Inrock Labs a sans doute contribué que l’on fasse ce grand saut. Même si nous n’avons pas vraiment ressenti la pression du premier album, avec le recul, nous percevons que nous avons passé un cap.
Hexagone : L’ingé-son de votre premier EP était Florian, le frère de Colin. Pour Volcan, vous indiquiez « souhaiter vous orienter vers la configuration de la scène ». Un objectif atteint selon vous ?
Romain : Florian est toujours notre ingé-son et nous accompagne sur scène. Nous avons beaucoup travaillé ensemble les morceaux, alors qu’auparavant, on enregistrait séparément. Ça nous a permis de prendre en compte le ressenti de chacun d’entre nous, tout en nous préparant pour la scène. Pour autant, il nous a fallu retrouver l’énergie du premier jet.
Hexagone : Les synthés font jeu égal avec les guitares dans vos compos, mais la batterie se fait remarquer également, notamment lorsqu’elle prend des accents jazzy sur Il me reste et Mes nuits sonnent faux…
Maxime : Un morceau très « chanson française » comme Mes nuits sonnent faux, laisse de fait une large part à l’acoustique des instruments. Une sobriété assumée qui explique la batterie jazzy. D’autres morceaux sur lesquels j’utilise un pad, sonnent eux plus électro. La rythmique de Volin est donc un mix de tout ça. C’est vrai que Romain et moi ne sommes pas de culture rock à la base, nous venons du jazz.
Colin : Pour Il me reste, je suis arrivé avec une version guitare / voix, très pop. Un format qui peut être enfermant pour Max et Romain du fait justement de leur formation jazz. Mais c’est Florien qui a incité Max à jouer plus free.
Romain : On apprécie justement ceux qui tentent ce genre de mélanges des genres, même s’ils sont « marqués » chanson ou rock. Quelqu’un comme Philippe Katerine sur son album Les créatures réussit très bien ça ; le batteur Steve Arguelles joue jazz. Ça s’entend notamment sur le morceau Jésus Christ mon amour. Lorsqu’on écoute Yellow house de Grizzly’s bear, – un groupe de rock indé de Brooklyn qui est une de nos influences communes – les phrases de batterie sont très ouvertes ; pour autant, je ne pense pas qu’on se dit automatiquement qu’ils viennent du jazz…
Hexagone : Colin, tu étais absent lors de l’interview en 2015 et ce sont tes deux complices qui se sont exprimés sur tes textes. Je te cite donc du Maxime dans le texte : « La poésie c’est quelque chose qui doit être rythmé, qui doit bien sonner. Colin teste beaucoup sa manière d’écrire dans ce que les mots vont apporter comme sonorité musicale. Il écrit des textes mais avant tout pour faire du rock. » Tu reconnais ton écriture dans cette description ?
Colin : Déjà, je ne considère pas « faire de la poésie » ! (rires). Mes textes n’ont pas pour vocation à être lus mais à être entendus. Dans l’une de ses interviews, Brel disait qu’écrire une chanson était un exercice très différent de l’écriture d’un poème. C’est le lecteur qui détermine le rythme du poème et pour la chanson, c’est le chanteur qui l’impose. Le rapport à la narration est également différent ; j’ai le sentiment que cela ne fait pas appel aux mêmes mécanismes de perception, de compréhension…
Hexagone : Et du coup, l’écoute n’est finalement pas tout à fait la même…
Colin : Pour moi, les mots dans une chanson restent du son. J’écris mes textes sans musique, en prose. Lorsque viennent les idées de musique et qu’il faut les mélanger aux mots, j’essaie de faire primer le son sur le sens. Une liberté que je m’autorise car je trouve qu’on peut vite se brider, s’enfermer par besoin d’intellégibilité. Lorsqu’on écrit, on privilégie souvent le sens : ce n’est pas toujours évident d’assumer un texte décousu, surréaliste, de se sentir légitime de le balancer… Je trouve intéressant de s’extraire du carcan du sens à tout prix parce qu’avant tout, ça reste de la musique…
Hexagone : On ressent chez vous cet équilibre entre texte et musique : vous prenez le temps d’introduire et de conclure les mélodies, de développer vos thèmes. Pas un morceau qui ne fasse moins de 4 minutes… A l’exception de Citadelle, l’instrumental de l’album.
Romain : Citadelle est une respiration sur Volcan, un moment un peu perdu, qui flotte. Je pense que l’on est quelques uns à apprécier ce type de pause dans un album. Ce n’est pas le morceau que l’on va retenir, puisqu’il n’y a pas de textes.
Colin : Et pourtant, il met en valeur le reste.
Romain : Oui, sans réel propos…
Colin : Ah si, il y a un propos quand même ! Parce qu’on a du mal à faire quelque chose sans avoir un propos. (rires)
Hexagone : La braise a l’air de reprendre ces temps-ci pour la chanson rock : Feu ! Chatterton, Radio Elvis, Romain Humeau en solo et d’autres… Peut-on y voir l’émergence d’une véritable scène ?
Colin : J’ai l’impression, oui. On peut citer Grand Blanc également. Depuis quatre, cinq ans, y a plein de groupes qui se mettent à chanter en français et qui s’imposent comme des têtes d’affiches, mais dans le réseau de musiques actuelles, pas dans celui de la chanson. Sur le terrain de la musique anglophone de fait…
Romain : Je trouve que l’on commence à se décomplexer du fait d’écouter des artistes chanter en français. Moi le premier, nourri aux Pink Floyd et Nirvana, j’avais une certaine « retenue » avec le français. Je m’interdisais d’écouter des artistes comme Matthieu Boogaerts, alors qu’au fond, ça me parlait. Mais comme ce n’était pas en anglais, en tant qu’ado, ce n’était pas possible… Une attitude qu’on retrouve encore aujourd’hui, quelque soit l’âge ; pour beaucoup, rock égale anglais. Mais cette frontière commence à se fissurer, je trouve.
Hexagone : Puisque l’on évoque vos influences rock indé anglo-saxonne, Portishead, Sigur Ros sont cités dans votre dossier de presse…
Colin : On peut rajouter Radiohead. Et Here we go magic, un autre groupe de Brooklyn…
Romain : Comme Grizzly bear dont on parlait tout à l’heure.
Colin : On cite là les groupes qui nous ont influencés pour Volcan. Sinon, on apprécie aussi James Blake…
Romain : Et les canadiens de Suuns que l’on a vu au Rockstore à Montpellier ! Nous étions sur de nouvelles compos et on s’est aperçu que ce concert nous avait beaucoup marqué.
Colin : Je les avais vus à Saint Malo durant la Route du Rock et c’est moi qui ai emmené Romain les voir. Paradoxalement, à la sortie du concert, on n’avait pas trop kiffé et deux semaines après, on compose un morceau et c’est ressorti ! Comme quoi, le principe de l’éponge…
Hexagone : En 2015, Romain avait vu jouer 3 Minutes sur Mer au Limonaire et en 2017, ils font votre première partie au Zèbre de Belleville. Qu’est-ce qu’il y a entre vous, une histoire de cousinage, « Et plus si affinités » ?
Romain : En fait, on s’était croisé en 2011 à La Biscuiterie à Chateau-Thierry et on avait eu un coup de coeur mutuel. Cela fait un moment que l’on essayait de trouver une date commune.
Colin : On a beaucoup de respect pour leur démarche et on se sent proche d’eux. Plutôt qu’une première partie, je préfère dire qu’on partage la soirée.
Hexagone : Les 16 et 17 mai à la Cigale, vous faites les premières parties de Matmatah. Programmation du tourneur ou choix personnel ?
Colin : Notre éditeur est le même que Matmatah et également leur manager. Il nous les a présentés et ils ont aimé notre musique. Et du coup, ils nous ont proposé de faire 5 dates de leur tournée de sortie d’album.
VOLCAN est sorti le 31 mars chez Antipodes Music / L’autre Distribution