Garner, électro sensibilité.

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Après son album Bas les armes, sorti en 2015, Arnaud Garnier – alias Garner – revient avec le très bel EP En plein coeur. Il y assume une orientation électro qui s’est imposée progressivement et qui vient parfaitement habiller  ses textes. 


Hexagone: Quand et comment as-tu commencé la musique ?

Garner: La musique, ça a commencé gamin, je faisais du piano. Assez vite, j’avais plus envie de présenter à ma prof de piano les 10 compositions que j’avais faites que les valses de Chopin qu’elle m’avait demandées de bosser. Je suis tombé sur une prof très sympa qui acceptait qu’on passe le premier quart d’heure des cours à ce que je lui présente ce que j’avais composé. Ensuite, j’ai eu des groupes au collège et au lycée. Après il y a eu un pan de ma vie où la musique a été un peu mise de côté puisque je suis devenu guide de rafting. Mais l’écriture, c’est quelque chose qui est resté tout le temps. Le rapport à la musique est revenu parce que je travaillais avec des gens qui étaient pour certains instrumentistes, et dès que certains se mettaient à jouer de la musique, j’éprouvais une sorte de nécessité à monter sur la table pour improviser des textes. J’ai eu une pratique de l’improvisation pendant plusieurs saisons de rafting. Pendant la saison je faisais à peu près un concert par semaine. Ensuite j’ai fait beaucoup de théâtre pendant quelques années. À l’occasion d’une pièce de Shakespeare, on était accompagnés par des musiciens et j’avais sympathisé avec une guitariste. À ce moment-là j’avais plein de textes en chantier dont je ne savais pas trop quoi faire. J’ai fait un premier album dans une formule très austère puisqu’on était guitare trombone voix. C’était un projet très barré. Les thèmes c’était aussi bien un type qui se promenait avec un hamster sous son imper sur une plage pleine de lignes à hautes tension que l’histoire d’un joueur qui étranglait une croupière après une partie de black jack. Des choses à la limite du surréalisme. C’est un projet que j’ai défendu pendant 3-4 ans. Progressivement on a intégré un clavier, puis un bassiste, puis un batteur, et on a monté un projet résolument rock qui s’appelait Alias Nautilus. Ça a duré 6 ou 7 ans. J’avais de très bons musiciens, mais c’était compliqué, il y en avait toujours qui partaient en tournée, donc il fallait décaler des dates, changer des musiciens, etc. Jusqu’à ce que j’aie une prod et que je puisse monter le projet Garner et le consolider.

Hexagone: Garner ça a débuté quand ?
Garner: Garner, l’aventure a commencé il n’y a pas si longtemps, il y a 4 ans. Parce que j’ai pu bénéficier d’une prod, j’ai pu fidéliser des musiciens, fidéliser une équipe et pouvoir développer un son qui n’était pas tributaire de la valse des musiciens. Au début je voulais garder la formation rock du projet précédent mais en commençant à glisser un peu vers de l’électro. Finalement à l’arrivée aujourd’hui, le dernier EP de Garner est complètement électro.

Hexagone: Pourquoi ce changement de direction musicale ?
Garner: Parce que les goûts musicaux évoluent. Parce qu’il y a un temps j’ai écouté en boucle Noir Désir et qu’il y a un temps où j’ai écouté en boucle Jay-Jay Johanson. J’ai pu aimer des artistes dont j’apprécie encore aujourd’hui le travail mais que je n’écoute plus du tout. Tout ce qui est de la même famille que Noir Désir par exemple, aujourd’hui ça ne m’intéresse plus. Après, si on passe Tostaki à la radio, je peux toujours écouter avec beaucoup de kif, monter le son et taper sur le volant, parce que ça reste ancré. Il n’y a qu’un artiste qui reste pour moi la référence absolue, c’est Bashung. Je l’ai écouté jusqu’à plus soif. Il m’a accompagné dans des moments extrêmement intimes de ma vie. De Osez Joséphine en passant par Madame rêve ou L’imprudence. C’est lui qui m’a donné envie de faire de la chanson.

Hexagone: Quel regard as-tu aujourd’hui sur le premier album de Garner ?
Garner: Je vois un album de transition. Le mode opératoire entre l’album et l’EP n’a pas du tout été conçu de la même façon. L’album a été fait avec une partie de mon répertoire qui existait déjà en live, qu’il a fallu construire en studio. Pour ça j’ai travaillé avec des musiciens de studio, et en faisant ça, j’ai pris conscience de l’endroit où on peut emmener les chansons. Je me suis nourri du talent et de l’inspiration de musiciens avec lesquels je ne travaillais pas avant. L’album, ça a été un passage du live à l’enregistrement, qui pour certains morceaux à très bien fonctionné tandis que pour d’autres un peu moins. L’album était à cheval entre deux choses, les morceaux qui venaient du live et les nouveaux que j’ai dû créer pour l’album avec déjà une couleur électro déjà bien affirmée. Sur l’EP, j’ai basculé complètement. Puisque j’avais une sensibilité de plus en plus forte pour l’électro, j’ai décidé de l’assumer complètement.

Hexagone: Quel est ton rapport avec l’écriture ?
Garner: Le rapport à l’écriture, j’ai toujours aimé ça, et l’écriture de la chanson exige un travail de synthèse qui correspond à quelque chose qui me convient. J’aime bien l’idée d’avoir peu de mots. Avant j’avais des textes très bavards. Plus le temps a passé plus j’ai enlevé du texte. Je me rends compte qu’il vaut mieux que les gens entendent peu de choses mais qu’ils les entendent bien. S’il y a une idée qui est propre à Garner, c’est la question du choix des mots dans les textes. Il y a quelque chose de très personnel, et du coup, pas suffisamment grand public peut-être. On écrit toujours une chanson dans l’espoir qu’elle sera fédératrice et qu’elle pourra être reçue par le plus grand nombre. Ça serait totalement mensonger de dire qu’on écrit des chansons juste comme ça, en partant du principe qu’on est seul maître à bord. On n’écrit pas que pour ça, sinon on le fait juste pour soi et son cercle d’amis. Moi j’ai quand même l’ambition de rencontrer un public, mais je ne me résous pas à l’idée de me dire : « Ça, les gens ne comprendront pas ». Je ne doute plus comme à un moment donné d’être légitime. J’ai une proposition artistique à faire et je crois qu’elle peut rencontrer son public.

Hexagone: Est-ce qu’il y a une de tes chansons du dernier EP ou du répertoire complet de Garner qui a une place particulière pour toi ?
Garner: La chanson Brest est vraiment une chanson dans laquelle j’ai une sorte d’aisance naturelle. À chaque concert en live il y a un truc qui m’emmène dans cette chanson. Ce que j’aime, c’est le voyage que je fais de l’impro jusqu’à la plage électro qui suit et qui est pour moi une sorte de grand voyage. Dans cette chanson-là il y a une sorte d’évidence. Sur l’EP, j’aime beaucoup la simplicité du texte de N’en abuse pas. C’est le premier texte un peu personnel, jusqu’à présent je restais toujours à distance quand il s’agissait d’amour.

Hexagone: Tu as sorti un magnifique clip sur N’en abuse pas. Pourquoi le choix de ce morceau-là et comment le clip a-t-il été réalisé ?
Garner: Quand on a le nez dans le guidon on ne sait pas vraiment ce qui paraît être le titre le plus évident, donc j’ai consulté ma garde rapprochée. Mon attaché de presse et ceux qui me suivent depuis longtemps. J’ai fait un soundcloud privé pour faire un sondage pour savoir quelle chanson semblait la plus immédiate avec des gens qui n’ont rien à voir avec le business de la musique. Pour avoir une écoute extérieure de gens non musiciens. Le résultat c’était N’en abuse pas et ça m’allait bien puisque j’avais conscience que s’il fallait faire un clip autant le faire sur un morceau qui pouvait potentiellement passer en radio, et que celui-là correspondait sans avoir à faire un remix. D’habitude sur les clips j’étais à l’initiative de tout. Là, ça faisait 3 clips que je faisais avec Tom Bouchet et autant sur les précédents j’étais venu avec les idées, autant là je lui ai demandé d’apporter sa part de créativité. C’était aussi accepter de lâcher prise et se demander ce qu’un jeune de 30 ans peut avoir envie de raconter sur une chanson qui est écrite par quelqu’un qui a un peu plus de 15 ans de plus que lui. D’ailleurs lui, c’est celle qu’il avait envie de clipper en priorité. Je lui avais dit que je voulais que ce soit une histoire d’amour, mais pas gnangnan avec une engueulade dans la cuisine. Je voulais un vrai parti pris. C’est ce qu’il a fait. Il m’a demandé s’il pouvait pousser le curseur très loin. Je lui ai dit ok, et quand j’ai découvert que ça allait jusqu’au quasi-meurtre dans le clip, j’ai signé. J’ai trouvé ça super. Ça ne plaira pas forcément à tout le monde mais au moins ça marquera les esprits.

Hexagone: Quels sont tes projets à court et long terme ?
Garner: À court terme, trouver vite une date pour confirmer la sensation que j’ai eue sur le premier live qu’on a fait en formule trio. J’ai la certitude qu’il y a un truc qui va marcher dans cette formule-là. Je vais essayer d’espacer les lives pour avoir le temps de créer de la matière nouvelle qui ne sera pas forcément sur support disque, mais qui feront peut-être à plus long terme l’objet d’un enregistrement pour en garder une trace. Mais je vais progresser comme à la marelle, de case en case. Je vais essayer d’apporter à chaque live une nouveauté, un titre nouveau. Je ne vais pas me préoccuper du format radio, de tout ça. Ça peut être un morceau qui durera 7-8-9 minutes. Ça sera des morceaux faits pour le live. À long terme, dans l’idéal j’aimerais bien un autre album, mais je crois que la musique telle qu’elle fonctionne aujourd’hui à besoin d’être réinventée. Le format doit être réinventé. Aujourd’hui les gens consomment la musique à l’unité.


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