Comme disait l’autre, je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre et où les chanteuses féminines et plus exactement les auteurs compositeurs interprètes étaient loin d’être légion. En gros, il y avait Barbara, la Sanson, Anne Sylvestre, peut-être 2 ou 3 autres mais on ne trouvait pas ça comme ça sous le sabot d’un cheval quand même.
Depuis une grosse décennie, le rang des voix féminines – qui fabriquent tout du producteur au consommateur – grossit singulièrement et régulièrement, qui plus est de la plus belle des façons. Ainsi Juliette peut-être a initié le mouvement et dans son sillage sont apparues les Jeanne Cherhal, Camille et plus récemment Klô Pelgag, Pauline Paris, Lise Martin et Garance notamment. Pour ne citer qu’elles.
Cette même Garance était hier soir sur les planches en bois du théâtre Rutebeuf de Clichy. La faute au jour férié, la salle n’était certes pas bondée mais les privés de pont de l’Ascension qui sont venus voir Garance sur scène en ont eu pour leur monnaie et ne regrettent certainement pas les plages de Cabourg et leurs chichis trop gras.
Le temps d’un match de foot – mais il faut dire que ça a passé vachement plus vite et qu’on ne s’est pas ennuyé – Garance a alterné titres de son nouvel EP, Les idées rock, sorti en avril dernier et des titres plus anciens. Toujours sur le mode de l’alternance, la chanteuse est apparue successivement seule avec sa 6 cordes nylon dans un style dépouillé et brut faisant claquer chaque mot, puis dans une formation guitare-basse-battterie de premier choix pour livrer une énergie des plus revigorantes ! Avec une voix qui étonnamment sait s’adapter à chacun des registres, tantôt flûtée et cristalline, tantôt rageuse et qui tient la corde.
Car c’est bien dans cet entre-deux que se situe Garance. Ni dans une chanson de tradition parfois désuète ni surfant sur une vague à peu près rock où le propos est prétexte à faire du bruit. Ce qui séduit chez Garance, c’est que si l’ensemble mélodique et musical est toujours soigné, la force et l’émotion prennent corps dans des textes bigrement bien troussés comme autant de reflets, d’échos et de regards d’une jeune femme sur la société, sur « sa » société, aujourd’hui, en 2014. On ne parlera pas ici de modernité tant le mot est galvaudé mais juste de contemporanéité et c’est bien mieux ainsi parce que cela parle à tout le monde.
Ainsi Garance introduit – même si elle n’est pas la première à le faire – notre quotidien encore récent des réseaux sociaux dans ses tourneries ou bien les râteaux pris par SMS. De Renaud qu’elle a dû beaucoup écouter, elle a retenu sa tchatche d’entre les chansons, s’adressant au public régulièrement, n’hésitant pas à le chatouiller pour le faire réagir. De belle et légère façon, tout en féminité. Du vieux Renard (ou plutôt du jeune Renaud), elle en aura gardé également le goût d’une implication dans le monde qui est le sien, capable de textes incisifs nous rappelant ainsi « N’oubliez pas d’aller voter au cas où ça servirait ». Si l’on reconnaît le vieux maître comme on l’a dit, on pense également à Lynda Lemay ou plus proche encore au meilleur de Marie Cherrier notamment sur la désillusionnée Enervée de Garance qui donne dans l’évidente intertextualité avec le Joyeux Noël de Cherrier.
Féminine et féministe, l’âme de fonds et les idées rock : Label Garance !