JePh, la liberté et l’espoir

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JePh ©David Desreumaux - Reproduction & utilisation interdites sans autorisation de l'auteur

Vosgien d’origine, leader du groupe Tournée Générale pendant plus d’une décennie, Jean-Philippe Vauthier se produit depuis quelques années avec son projet personnel JePh et vient de sortir un premier album Mon pays. C’était une belle occasion d’échanger sur son parcours.

 

Hexagone : Arrêter Tournée Générale et devenir JePh, cela correspondait-il au désir d’un nouveau départ ?

Jeph : J’avais quelque chose de plus personnel à revendiquer, à clamer. Je voulais aller à l’essence même de mes textes, de mes musiques et de l’interprétation. Cela répondait aussi à une envie de grandir, d’avancer dans la vie.

 

Avant JePh, je t’ai connu avec le duo de reprises Rouge Gorge

Tournée générale c’était plutôt festif, avec du texte déjà, mais avec un propos très rentre-dedans. Avec Rouge Gorge, j’ai eu envie d’aller vers le rôle d’interprète. Quand je chantais tous ces beaux auteurs j’avais l’impression de les vivre, les habiter. Et puis accordéon-voix c’était aussi Tournée Générale qui se déshabillait de ses oripeaux musicaux, et duquel il ne restait que la moelle : l’accordéon de mon frère Max et ma voix. Le duo a reçu de beaux échos dans le public chanson. A posteriori, je me rends compte que Rouge-Gorge m’a servi de tremplin pour arriver à Jeph. Je me suis appuyé sur les anciens, j’ai eu besoin d’ingurgiter tout ce répertoire pour pouvoir me sentir légitime. Et puis accepter les influences des auteurs que j’ai chantés (Ferré, Leprest, Nougaro et Dimey entre autres) permet aussi de trouver son identité.

Au début de JePh, tu disais « Là, ces chansons je veux les défendre tout seul pour que ça me fasse voyager. C’est comme si je prenais mon sac à dos et ma guitare. » Ta guitare et ton sac à dos, pendant ces dernières années, il me semble que tu les as souvent pris ?

Cela répond à un besoin de liberté. J’ai ce côté baroudeur dans l’âme. J’ai fait plusieurs fois « le tour de France » avec ma voiture. Pierre Barouh, que j’ai eu la chance de rencontrer, m’avait expliqué pourquoi il avait mis « voyageur » comme profession sur ses papiers : « avant de dire que j’étais chanteur, j’ai eu besoin de voyager, pendant trente ans. » Et c’est important, voyager c’est se mettre en situation de rencontre, de découverte, d’échange et parfois se mettre en danger.

 

Il me semble que tu as principalement deux sources d’inspiration : ce qui t’arrive dans ta vie notamment amoureuse, et ton observation de la société ?

Oui, ce sont mes deux chevaux de bataille : l’amour et l’anarchie, deux mots synonymes comme disait Léo Ferré. Cela dépend si je mets le zoom, le curseur sur la personne ou la société. Et les deux sont liées. Pour moi, l’amour c’est aussi une guerre et la société – la politique – une façon de vivre ensemble, et de s’aimer.

A travers l’amour et l’anarchie, je crois que je chante la liberté et l’espoir. Je tiens beaucoup à transmettre. Même si la réalité est dure, je veux amener aux gens l’idée de ne pas perdre l’espoir. La poésie et l’humour sont les vraies échappatoires qui nous permettent de transformer ce qui est lourd et plombant en légèreté. Si un soir je n’arrive pas à transmettre de l’espoir sur scène, c’est que je n’aurais pas bien fait mon métier.

 

Justement, parle-nous de ta vision du métier

Je ne fais pas des chansons en fonction d’un projet, je fais le projet en fonction de l’art, de la création. La création c’est le vrai leitmotiv. C’est ça être artiste. C’est difficile de me mettre dans une case, de me cerner. Je déborde du cadre. Si j’ai envie de faire des envolées lyriques, je le fais. J’essaye d’être toujours le plus fidèle, le plus proche des mots, du désir de créer et de transmettre. C’est assez viscéral chez moi. Chanteur, je le prends comme un métier, mais en fait aussi presque comme une mission.

JePh
©David Desreumaux – Reproduction & utilisation interdites sans autorisation de l’auteur

Dans tes textes et sur scène, tu mets beaucoup d’énergie, tu te donnes à fond ?

Oui, le fait de se livrer le plus véritablement possible, de se vider permet en fait de se remplir à nouveau. On reçoit plus que ce que l’on donne. Et ce retour nous fait avancer toujours. Pour moi, un concert, c’est un voyage qui fait évoluer à la fois le chanteur et le public. Je n’aurais pas pu avoir une vie routinière.

 

Quand on te voit sur scène on ressent à la fois une grande force, celle du physique et celle des mots, mais aussi de la fragilité.

Oui, cette force peut être immense, mais un rien peut l’arrêter. A fleur de peau, derrière la force, j’ai une grande, grande sensibilité, une fêlure. Mais c’est cette extrême sensibilité-là qui me fait écrire. Dans les personnes dont je me suis beaucoup imprégné, cette ambivalence existe aussi. Par exemple Léo Ferré, chante des textes très forts et très durs et il est aussi capable d’aller chercher des chansons d’amour poignantes. Je pense que le secret d’une grande force, c’est aussi d’avoir une grande fragilité, et de l’assumer.

 

L’album Mon pays sort au bout de cinq ans de JePh…

Il a fallu le temps nécessaire pour rencontrer les bonnes personnes, obtenir l’argent, réunir les bonnes conditions, choisir les chansons. J’ai confiance en cet album qui me semble représentatif du parcours effectué. Il donne des photos de ces cinq années. il englobe le début au Connétable et à la Manufacture Chanson avec Le bonheur immoral et Petite, les tours de France faits, et enfin la rencontre avec le réalisateur et les musiciens. Mon pays est un album de chansons folk-rock avec des couleurs « springsteeniennes » et la configuration basse-batterie-guitare électrique.

On va te voir sur scène avec quelle formule ?

L’objectif c’est de tourner avec la formule la plus proche de l’album, en trio avec Stephen Harrison et Gaël Mesny. Avec un combo type Johnny Cash – contrebasse, guitare folk, guitare électrique – je reviens à mes premières amours. Quelques dates sont prévues en duo avec Stephen Harrison. Et je continue aussi en solo. Je ne veux pas me priver d’une occasion d’aller sur scène car c’est pour cela que je fais ce métier. Et puis le solo, espace de liberté, reste le plus formateur, et permet d’obtenir une base stable appréciable ensuite par les musiciens.

 

Quelques mots sur tes attentes pour le futur ?  

Toujours en construction, j’aimerais trouver un entourage professionnel, un tourneur pour développer le projet. Je souhaite moins m’occuper d’organisation, pour me consacrer pleinement à l’artistique, et pouvoir faire jaillir tout ce que je ressens à l’intérieur. L’objectif est de réussir à toucher le plus grand nombre. Je ne cherche pas à rester confidentiel, mais à vivre épanoui avec mon art, à être reconnu en restant soi, sans se trahir.


Propos recueillis le 30 janvier, dans le cadre du festival Détours de Chant à Toulouse, au lendemain d’un concert au Bijou.

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