Bertrand Belin – Persona

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1977

« Petit à petit / L’oiseau / L’oiseau fait son bec / Arrive un matin / Il a son bec / Et quand vient le soir / Qui vient à coup sûr / Il veut avoir dit quelque chose / Avec / A-t-il eu le temps seulement ?/ Est-il un volcan dormant ? » Bertrand Belin nous a appris depuis maintenant six albums que l’on peut faire chanson de peu de mots, s’y employant lui-même et se souciant du mètre régulier comme de sa première chemise. Ce Bec, donné ici en intégralité et qui ouvre Persona en offre un bel exemple. Peu de mots ne signifie en rien vide de sens, mais partir à la recherche de ce sens chez Belin, c’est un peu multiplier les possibles. Au premier abord, tout semble abscons, obscur. Mais peu à peu, le flou s’estompe au profit d’une lumière qui révèle l’unité de l’album.

Belin enfouit, met loin, très loin sa limite à l’impudeur et glisse en loucedé son rapport à l’humanité, en des bribes fragmentaires, elliptiques, éparses, jouant sur les sonorités et usant d’une architecture prosodique personnelle faite de répétitions ou autres récurrences signifiantes.

Peinture d’une classe sociale aux abois, Persona – comme ce titre l’indique – avance à visage masqué. Derrière ces masques, la voix grave de Belin – qui tranche les mots tel un couperet et les scande sur des rythmes lents avec une précision arithmétique – s’attache à rendre compte de quotidiens ordinaires, de citoyens de l’ombre qu’il illumine. Aliénation par le travail (Camarade), laideur de l’urbanisme moderne (Choses nouvelles) ou encore l’échec humiliant (Glissé redressé) qui « annonce un été de canadairs », tout ici concourt à un hymne aux sans-voix.

David Desreumaux


Bertrand Belin
Persona
Wagram Music / Cinq 7 – 2019

Chronique parue dans le numéro 12 de la revue Hexagone.


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