Mathieu Barbances, lui et sa contrebasse

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Cela fait longtemps déjà que j’ai délaissé les Zénith et les palais des sports l’hiver, les grands rassemblements de milliers de spectateurs entassés dehors lors des festivals l’été. D’abord pour les salles « à taille humaine » où l’on voit l’artiste sans grand écran ou jumelles. Et ensuite parfois, pour des lieux plus petits : une jauge de moins de 50 places, une cave voûtée, un grenier pour un concert « à la maison », une salle de café ou de restaurant, voire un coin de rue au festival d’Aurillac.

© Michel Gallas

A partir de là, adieu la sono et le micro cache sexe, une autre sensation vient à nous, mais d’une telle saveur qu’elle s’incruste fort dans les pores de la peau, de l’émotion et du souvenir. Et tu vis souvent un moment vraiment unique. Quand comme moi, on voit plus de 220 concerts par an, on a l’occasion d’apprécier toutes sortes de spectacles et toutes catégories d’artistes : quelques concerts fabuleux, beaucoup de très beaux moments avec des artistes confirmés ou pas, que l’on voit très souvent ou rarement et quelques concerts ou artistes avec lesquels on n’accroche pas (jour de méforme du spectateur ou univers trop éloigné). Et de temps en temps arrive le succulent grand plaisir de faire une découverte : une personnalité hors-cadre, un style nouveau, un ouragan d’air frais. Parfois, tu te dis « là c’est du lourd » comme ces dernières années la première rencontre avec La demoiselle Inconnue ou Barbara Weldens. D’autre fois, sans atteindre ce niveau d’émotion-là, tu te dis « quel plaisir ! » : une personnalité particulière, un projet vraiment personnel, un talent et des vagues d’air frais. Comme en 2016, avec Archibald et cette année avec Mathieu Barbances (ah on y arrive enfin à l’artiste de cette chronique !). Barbances, je l’ai découvert en début d’année aux apéros spectacle du Grand Rond, et j’étais content de le revoir fin novembre dans un petit café-restaurant culturel La part du hasard. Les deux fois, Mathieu était en solo et sans micro (ah, c’était pour cela l’intro sur les zéniths !).

© Michel Gallas

T’as trouvé l’intro trop longue et alambiquée ? Ok, je te fais plus court et plus clair. Le spectacle s’appelle Mathieu Barbances et sa contrebasse. Il chante et parle en jouant de la contrebasse. Sa première chanson se nomme Moi, et ma contrebasse. A la fin du concert, il te propose son EP nommé « Chansons & contrebasse ». Bon, d’accord, je t’en dis un peu plus. Ses chansons sont des petites histoires, drôles souvent (dans l’oreillette on me dit « en tout cas plus que tes intros »), drôles mais pas que. Elles sont souvent inspirées de sa vie et de ses expériences, mais qu’il parle directement de lui ou pas, on savoure un mélange d’observation et de position de citoyen engagé qui a du mal avec la vie actuelle (Mais qu’est ce qui te prend ?, Faut pas trop penser : « « je commande mon livre sur internet sans trop penser à la librairie de mon quartier »). Certaines semblent complètement autobiographiques, comme Fils de coco (« c’est du boulot, comme berceuse programme commun et cotisations »), un titre très efficace, miroir représentatif pour certains. Il termine d’ailleurs par une chanson sur Les Mathieu. Certaines chansons sont plus tendres comme Dans les hivers longs, hommage à un petit village d’Auvergne (« c’est dans les hivers longs qu’on fait les meilleurs chansons « ). A chaque titre, souvent avec un sens aigu de la dérision, parfois avec une chute inattendue et bienvenue, il déclenche rire, sourire ou réflexion. Avec du parlé/chanté,   mais toujours avec une belle mélodie, jouée à la contrebasse et reprise parfois par les spectateurs.

© Michel Gallas

Son solo est en fait un duo avec sa contrebasse, son partenaire, un instrument qu’il maîtrise et utilise complètement (à la main, à l’archet, en percussion, en le tapant). Il le quittera momentanément pour un seul morceau à la guitare. Cet artiste a fait de la rue, et du théâtre : il sait naturellement faire participer et chanter le public, il s’implique (regard, voix) au cours de ses chansons. Et surtout, il se dégage de lui une belle humanité et l’envie de partage. Humanité et partage, bien décrits dans Ma bande, à nouveau un texte autobiographique mais qui parle à tous. Sa bande ? Au début : ses parents et son frère, puis la cousinade, la classe, le groupe de musique, la compagnie de théâtre musical (Jolie môme), les manifestants partageux, son amoureuse, et enfin sa nouvelle famille, femme et deux enfants. Et à la fin du concert, on a un peu l’impression de faire partie de sa bande. De la chanson de proximité, une sorte de veillée à l’ancienne où la grand-mère conteuse est remplacée par la contrebasse « grand-mère », du talent, de l’humain : un régal ! On sort du concert avec la pêche. Avec la joie d’avoir fait vraiment une belle découverte que l’on a envie… de partager.

© Michel Gallas

Mathieu parcourt la France, et toutes sortes de lieux, depuis environ trois ans, avec sa contrebasse (son affiche le montre contrebasse sur l’épaule en train de marcher vers … la prochaine rencontre humaine, le prochain lieu, le prochain concert). Ce concert s’insérait dans une sorte de tournée, à Toulouse et en Haute Garonne, de cinq jours consécutifs, soit dans les cafés culturels (comme Le Wagon lieu associatif dans la commune du Faget le vendredi, Le Caméléon petit lieu associatif toulousain le samedi et La part du hasard ce lundi) soit en concerts en appartement. Effectivement, il en parle à la fin de ses concerts et l’évoque sur son site : il fonctionne souvent avec des « concerts à la maison » qui réunissent une trentaine de personnes.

Son mini album 6 titres en contient cinq enregistrés en solo et en live plus le « tube » Fils de coco enregistré avec des musiciens. La bande des chanteurs contrebassistes (Imbert Imbert, Contrebrassens) que j’apprécie en compte désormais un de plus. Ne la rate pas, s’il passe par chez toi ou dans le salon de ton voisin. Et j’espère pouvoir te l’annoncer prochainement dans une salle toulousaine « à taille humaine ».


Mathieu Barbances le 27 novembre à La part du hasard lors de sa tournée en Haute -Garonne du 23 au 27/11/2017.

Hexagonaute de passage par Toulouse, comme il n’y a pas que la chanson dans la vie, je te recommande La part du hasard : bistrot artistique et culturel (lieu d’exposition) avec petite restauration dans le quartier Arnaud Bernard : éminemment sympathique, avec une nourriture originale et succulente, des boissons (vins et bières) régionales, tenu par un duo féminin ayant le sens de l’accueil, de l’humain et de l’humour (les sens en fait ! ou peut-être l’essence)

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