Mira Cetii – Persée

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1893

« Papa, est-ce que c’est une sirène qui chante ? »

Saviez-vous que je confiais toujours mon incipit à mes enfants ? Ils ont ce sens de la formule inégalable, et leur regard contient probablement la clé de l’œuvre qui nous est présentée aujourd’hui.

Bien évidemment, la suite de la discussion a dérivé. « Mais si c’est une sirène, elle sent le poisson ? ». Il fallait donc le rassurer en disant : « elle parle d’étoiles, et elle a un regard stellaire ». Le fantasque enfant digressa donc : « ok, alors c’est une fée de l’espace quoi ? ».

Il comprendra avec le temps que certains êtres contiennent toute l’étrangeté de la relativité en eux. Des pieds qui frôlent le sol du monde comme une rythmique douce, des gestes mesurés tels des harmonies parfaites, et un regard qui fixe et reconnaît les étoiles. Un même corps qui sait d’où il vient et où il ira.

Mira Cetii semble être la mise en partition d’Aurore. Complexe mais pas sournoise, sa musique se gagne à force d’écoutes pour que s’en révèle sa simplicité. On passe souvent à côté d’évidences quand on s’enferme dans nos névroses.

Mira et (Tau) Cetii sont deux étoiles de la constellation de la baleine. Les navigateurs ont vu dans les étoiles des reflets pour les guider sur les mers et ont nommé l’inconnu à partir de leur perception du monde. C’est ce que fait merveilleusement Aurore pour nous. Explorant, nommant, guidant, son Persée est une carte où elle livre certains de ses secrets qui serviront de clés pour ouvrir nos propres serrures.

C’est la marque d’une auteure forte, qui use des notes comme une mise en perspective des mots. Le titre Persée mériterait une chronique à lui seul, tant son entrelacement est signifiant. La langue danse sur une portée et le sens du propos se marie aux consonances des accords. La tension s’apaise dans un relâchement en majeur, libérateur. C’est désormais la musique qui parle et le texte qui chante. Les mots des baleines ne sont-ils pas des mélodies ?

Mira Cetii est le reflet complexe d’une artiste complète. Aurore manie plume, guitare au jeu très personnel, programmation et larynx avec le même talent et à travers le prisme d’une personnalité affirmée. C’est beaucoup pour une personne, qui a su rester authentique après déjà 15 ans d’expériences diverses qui lui ont fait fouler de nombreuses scènes. Auparavant au sein d’Alifair (on se dit à bientôt !), elle a retrouvé Jean-Pascal Boffo, véritable institution sonore de la Lorraine, pour mener l’enregistrement de ses deux eps. Grand bien lui en a pris, car il sait comment faire ressortir la richesse de chaque registre vocal dont elle dispose.

Toujours vertueuse et jamais enfermée dans la virtuosité, ses vocalises bilingues enlacent, secouent, portent. Chaque titre est une nouvelle vague, nous ballottant d’émotion en émotion. Emilie Simon ne s’y est pas trompé quand elle est tombée sous le charme de ses chansons. L’auteur du génial « Végétal » a eu le nez fin en l’invitant à partager la scène pour une prestation magistrale.

Avec de tels disques elle s’inscrit de facto dans une scène française audacieuse qui sait toucher un large public. On pense à Yael Naïm, Zazie bien sûr (Cyclo l’a rendue intouchable!), Jorane avec qui elle a partagé l’affiche (celle qui a commis inénarrable 16 mm). Et on pourra étendre à la scène internationale. Ani Di Franco, ou encore la suprême Nicole Atkins devraient être happées par les refrains aux chœurs qui impressionnent par leur justesse à tout niveau.

On attend avec impatience la suite qui avance. On l’espère minérale tant elle en manie bien le champ sémantique.

« Dans ma cabane sous la terre, je reste des heures entières

Seule, je compte les cristaux qui mûrissent, qui méditent

Comme des fruits lents dans le silence »

Mira Cetii, constellation de la baleine, chant des étoiles.

Bar Clau

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