Manu Galure, à A Thou Bout d’Chant

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Concert ATBC 17 décembre 2016

Pour ouvrir le rideau, À Thou Bout d’Chant a dégotté Sablo, tout jeune auteur-compositeur-interprète qui ne sait pas encore quoi dire entre ses chansons. Il l’avoue, un peu gêné, mais se rattrape en chantant des textes touffus, truffés de mots qui s’emmêlent et s’entrechoquent. Il prétend malicieusement que ses chansons ne veulent rien dire et que c’est mieux comme ça, mais on y entend tout de même beaucoup d’histoires d’animaux — dont une valse entre une souris et un éléphant éconduit par une gazelle. La programmation est astucieuse car l’univers de Sablo, entre fable et surréalisme, introduit à merveille celui de son aîné Manu Galure, également adepte des métaphores animalières. Le jeu de piano est à la fois habile et bègue, faussement fragile. Grand sourire et longs cheveux, Sablo (contraction de Sacha et Pablo, noms entre lesquels hésitaient ses parents) est assurément à suivre. Tout nouveau, tout neuf, tout juste sorti de l’œuf, il a pour lui le charme de la maladresse et la force du poète. Voyez plutôt :

Mets les nuages dans tes poches
Brille au dessus de chaque flaque
Cueille de roses flamants-croches
Couds des rivières dans ton sac

©David Desreumaux

Quand vient le tour de Manu Galure, le piano droit est déjà ouvert, le ventre à l’air en travers de la scène. Scotchés au couvercle noir, quatre morceaux de papiers colorés, deux bandes de gaffeur et une bande de papier blanc zébrée de trombones sèment le doute : serait-on venu à un atelier créacollage (scrapbooking) ?
L’allure du chanteur invalide au premier coup d’œil cette hypothèse : anneau à l’oreille gauche, polo rayé rouge et blanc aux manches remontées sur des avants-bras musclés… Cet homme n’est pas un bricolo du dimanche, c’est un marin qui nous emmène en voyage. Son bateau a des allures d’arche de Noé : animaux de foire, femme ventriloque et autres spécimens se côtoient face à un public passager clandestin. On apprend q’une plante carnivore aux pétales formant en creux le cul d’une chauve-souris se nourrit des déjections de celle-ci — la nature a inventé le fast-food avant l’heure quelque part en Amérique du Sud — et que les silures adoptent les techniques de chasse de l’orque dans les eaux du Tarn. Histoires fantasques mais toutes véridiques, assure Manu Galure, qui nous les conte avec force de groove sur un piano dont il se fait le maître-transformiste : il devient tour-à-tour piano, piano-sourd, glockenspiel, violons en pizzicati, percussions, clavecin. Ses petits papiers de scrapbooker assistent la sourdine dans sa modification du timbre mieux qu’un synthétiseur Yamaha. Qu’ils nous consolent ou nous réchauffent, ces petits papiers nous transportent pour sûr dans des voies de navigation nouvelles. Manu Galure alias Captain Ravage, seul maître à bord, bat la mesure de son pied droit pour mieux ancrer ses chansons d’horreur dans nos caboches, avec en prime sourire mutin et œil polisson. Ça se bouscule sur le pont et les moments de répit sont des parenthèses magiques, comme pour Ramène-moi à la maison ou l’anonyme Le chameau s’en fout.
Qu’on se le dise : le grand cirque de Manu Galure dans un mouchoir de poche piano-voix, ça a de l’allure. Les lumières se rallument et il est temps de quitter le navire mais mec, je te tire mon galurin.

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