Antoine Sahler, des chansons de forme ronde

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Photo David Desreumaux
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L’homme est souriant, discret. Très discret. Trop discret. Il débarque sur terre à l’aube des années 70 mais il est bien moins marqué qu’elles. Antoine Sahler qu’il se nomme ce garçon au physique encore juvénile. Son nom ne te dit peut-être rien. Bah oui, je te disais, il est discret. Pourtant, son travail, tu le connais très certainement et on réduit d’ailleurs souvent cet artiste à la seule casquette d’accompagnateur ou d’auteur pour les autres. Il faut dire, c’est pas n’importe qui ces autres-là ! Juliette, Mauranne, Juliette Gréco, Lucrèce Sassella et bien sûr, François Morel. Pas le temps de s’ennuyer le garçon ! Du coup, « Mon projet solo, et c’est un luxe, peut se développer tranquillement, lentement, en marge de mes autres projets d’auteur compositeur, « d’animateur de label » ou de pianiste accompagnateur » raconte-t-il humblement.

Antoine Sahler, que l’on a dû interroger déjà cent fois sur sa rencontre avec François Morel, ne se lasse pas de redire la genèse. « J’ai rencontré François Morel, par l’intermédiaire de Juliette, qui m’avait invité à une émission sur France Musique pour y chanter ma chanson Quelque chose de spécial. François était présent ce jour-là, on a sympathisé. Puis je l’ai retrouvé quelques mois plus tard, à l’Olympia où je faisais la première partie de Juliette et François faisait un duo dans le spectacle. Nous étions évidemment tous deux morts de trouille. Et puis on s’est revus, on a travaillé ensemble » raconte simplement Antoine Sahler avant d’ajouter que « le travail avec François est vraiment particulier. Nous sommes amis et arrivons à travailler en grande proximité, dès les premiers mots de la chanson. » Les deux compères préparent d’ailleurs un nouveau spectacle chanson qu’ils créeront en janvier prochain à La Rochelle.

Photo David Desreumaux
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Avant de mettre les pieds dans la chanson, Antoine Sahler a eu une première vie. Je ne parle pas de l’époque de son passage par HEC et de ses jobs dans le marketing au début de sa vie. Non, je parle de plus tôt encore. Avant même de traîner les petits lieux chanson parigots, comme le Limonaire, qui lui révéleront définitivement sa voie chansonnière.  Gamin, « A l’adolescence, j’écoutais plutôt du jazz, du classique, de la pop » explique-t-il sans omettre de signaler qu’il gardait tout de même un œil sur Souchon, Sheller, Nougaro, Gainsbourg, Vian et Brassens. Sensible au texte et à la littérature, en admirateur de Perec et de son goût du jeu sur les mots, Antoine Sahler va s’essayer au difficile exercice de la rime en musique. En 2002 paraît un premier album, Je suis parti, au Chant du Monde. En 2005, il remet ça avec Nos Futurs. Les deux albums vont mener une existence très discrète.

Pour Antoine, la forme de la chanson apporte « une immédiateté, une concision, un regard porté sur le monde qui est très spécifique à la chanson. Dire en deux phrases et une mélodie des choses profondes et multiples. » Voilà pour le postulat. La traduction dans les actes, tu peux l’entendre sur le dernier album d’Antoine Sahler, sorti cette année. Je n’ai encore rien dit. Un album paru sur le nouveau label « Le Furieux » qu’il vient de créer et « qui verra en février la sortie du prochain album d’Armelle Dumoulin. » Je n’ai encore rien dit est un des très beaux titres du disque, une histoire de celui qui n’ose pas faire le pas nécessaire mais c’est aussi un titre qui résonne plus largement. Un morceau étendard d’une certaine façon. Comme une promesse d’en découdre, une volonté de remettre l’ouvrage sur le métier, alors qu’il avait décidé « d’arrêter de chanter, mais pas d’écrire. »

Photo David Desreumaux
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Puis, depuis deux ans, Antoine a écrit des textes plus personnels qui lui ont redonné l’envie de chanter. De les chanter. On ne saurait l’en blâmer. Dans son approche de la chanson, Antoine Sahler parle de son goût pour des artistes comme Philippe Katerine ou Bertrand Belin, de « forme d’expression qui cherche son originalité dans les détails, et dans le regard singulier, » de son plaisir du jeu de l’écriture et de la construction.

Aux deux artistes précédemment cités, il conviendra d’ajouter Vincent Delerm. Il y a comme un air de famille entre les deux personnages. Et pas seulement dans la forme du piano-voix des débuts de Delerm. L’écriture dit beaucoup avec peu de mots. Cette écriture qui ne parle pas mais qui montre comme en autant de situations cinématographiques. Un quelque chose très Nouvelle Vague. Antoine Sahler ne cherche pas à faire entrer au chausse-pied un texte dans des mélodies, il tente de « faire passer un sentiment, une image, mais sans le dire. En tournant autour. Mes chansons préférées sont souvent de forme ronde » explique-t-il.

C’est le quotidien qui concerne et intéresse Antoine Sahler. Sur des mélodies faussement simples et diablement efficaces (doublées d’un jeu de piano de tueur !) sur lesquelles il pose sa voix douce et fragile, il déroule notamment le film d’amours perdues, les vraies histoires d’amour, celles qui ne sont visibles qu’après la rupture (Là, l’amour). Il déroule aussi le quotidien d’un père papa les semaines A et célibataire les semaines B (Semaine B). Et que dire de cette Marguerite, superbe, qui effeuille les souvenirs d’un être cher disparu. Il y a souvent un parfum de nostalgie qui flotte sur les chansons d’Antoine Sahler, mais une mélancolie souvent rattrapée par l’humour, comme pour rappeler que le rire est probablement la béquille la plus solide de l’homme. La plus fiable. On peut rire le cœur chagrin. Le rire a ses nuances que les chansons d’Antoine Sahler semblent connaître.



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