Maggy Bolle à Pause Guitare

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Cette année, à Pause Guitare, te disais-je, j’ai décidé de traiter, plus particulièrement de la chanson qui ose dire les choses, frontalement, qui montre le monde comme il va… pas bien ; de t’évoquer la chanson qui ne se contemple pas le nombril, qui ne se morfond pas dans les amours ratés. Parce que la chanson engagée, la chanson « rentre-dedans », se fait rare, parce que l’entendre fait du bien, encore plus ces temps-ci, et parce qu’à Albi trois talents la représentaient. Et pour chacun, je te livre un compte-rendu de concert et d’entretien. Après Archibald, et avant Les Idiots, voici l’épisode 2 : Maggy Bolle.

© Michel Gallas

Maggy Bolle, je t’en ai déjà parlé il y a deux étés à Aurillac. La voilà, deux soirs consécutifs, sur la scène atypique de La Caravane du Vladkistan. Cette artiste de scène, toujours souriante et enthousiaste, déploie une belle énergie pour délivrer ses chansons souvent décapantes. Ici, on est loin de la poésie aux mots recherchés, on est près du quotidien où surgissent les mots « connasse » et « enculé ». Quand elle parle d’amour avec un plombier qui débouche les canalisations, c’est plus qu’explicite. Quand elle évoque les problèmes de voisinage, cela donne La connasse d’en face. Elle commence son set de 45 minutes, temps imposé, par des chansons rigolotes voire burlesques à base de portraits bien sentis (comme La cougar sur une femme très âgée et quasi nymphomane) et se met le public dans la poche. Puis elle enchaîne sur des chansons plus engagées et politiques, voire grinçantes, sur les politiciens (« Votez pour l’enculé pour pas que le connard passe / Et nous on les laisse faire comme des connards de moutons « ), et sur le dénommé Denis Baupin : Beaux pains dans ta gueule (« Tu pensais que ton phallus te rendrait tout puissant, t’as oublié que c’est d’un utérus que t’es sorti en chialant » ). J’ai fortement apprécié une chanson qui met en opposition le monde tel qu’elle l’a rêvé et celui qu’elle retrouve à la télé et au quotidien. Elle, avec son franc-parler et son accent franc-comtois, se montre véritablement heureuse d’être sur scène. On ressent la volonté de rythme et d’échange avec le public. Dans l’écriture on sent l’amour des mots, on découvre des trouvailles. Musicalement, cela devient enjoué avec l’accompagnement de son guitariste contrebassiste choriste compère Maxou. Une prestation de Maggy Bolle, c’est du « rentre-dedans » salutaire. Et ça fait du bien !


Jeudi 6 juillet : Maggy Bolle en concert à 19h30 et entretien sur un banc un peu plus tard. Pause Guitare à Albi. Scènes du Off. Caravane du Centre Dramatique national du Vladkistan (pays imaginaire inventé par l’artiste Vlad) : véritable caravane-scène installée sur le Jardin National en plein centre ville d’Albi, pour la deuxième année à Pause Guitare.

© Michel Gallas

Hexagone : Comment es-tu venue à la chanson ?
Maggy Bolle :  De base je suis commerciale, j’ai fait des études pour, j’ai bossé quatre ans comme V.R.P, je suis partie faire un tour du monde pendant un an, j’ai vécu en Angleterre deux ans, un an en Espagne, tout à l’arrache. Je suis revenue en France, j’ai touché une guitare, je me suis dit : « Whaouh, je veux en vivre » et j’ai écrit.

Hexagone : Quand tu étais VRP, tu le faisais avec le même franc-parler que sur scène ?
Maggy Bolle :
Hé oui, les collègues me répétaient  : « ah si on disait le dixième de ce que tu dis aux clients, on se ferait jeter et toi tu vends ! »

Hexagone : Le franc-parler et le franc-écrire sont ta marque de fabrique ?
Maggy Bolle :
Je ne me verrais pas écrire autrement. Ni parler différemment sur scène. Parfois je fais des ateliers d’écriture dans des maisons d’arrêt ou dans des foyers. Par exemple fin août, dans un foyer d’enfant on va écrire sur les droits de l’enfant. Ils me font venir car ils savent que cela va décaper. A un moment, je vais les aiguiller sur « Mâche pas tes mots, si c’est assumé, si c’est naturel. » Le rentre-dedans c’est mon créneau, mais naturellement.

Hexagone : Tes chansons semblent inspirées du réel, tu confirmes ?
Maggy Bolle : Oui, tout part du vécu. Pour  « Jean-Marc » qui débouche les canalisations, c’est une vraie histoire. Ce gars m’a draguée et cela m’a donné l’idée, je suis parti dans un bar, j’ai beaucoup ri en écrivant cette chanson : je lui dis merci. Pour La connasse d’en face, je me sers d’une fois où les flics sont venus chez moi pour cause de tapage nocturne. Mais la vraie raison, c’est qu’à Besançon on a un café-concert qui a de grandes difficultés pour tenir le coup. Ils ont mis des thunes pour les lois sur le tabac, le respect des normes. Une fois sortis de cela, une connasse a acheté l’appart en face du café-concert et appelle les flics systématiquement, à chaque concert, quatre fois par semaine. J’ai écrit pour les deux nanas qui tiennent le lieu.

Hexagone : Tu as joué deux jours, je ne t’imagine pas faire exactement le même set ?
Maggy Bolle :
Pour les gens qui sont venus hier, c’est cool de ne pas refaire le même set. Et hier après le concert, deux gosses qui ont le disque mais ne m’avaient jamais vu sur scène, sont venus réclamer deux titres qu’ils adorent. Comme ils sont revenus aujourd’hui, je les ai chantés. On a aussi changé la fin. En fait, on n’a absolument pas suivi la set-list prévue, comme souvent d’ailleurs.

© Michel Gallas

Hexagone : Tu as sorti quelques albums, tu joues parfois dans un autre groupe. Et cela fait  un certain nombre d’années que tu fais de la scène désormais … 
Maggy Bolle :
Oui, c’est ma dixième année de scène. Je vis de ma guitare et j’ai vendu plus de dix mille CDs. On va sortir le quatrième album cette année. Depuis que je suis en duo avec Max, le côté musical est enrichi. Avant pour danser sur du Maggy Bolle, il fallait vraiment être franchement bourré, maintenant tu peux. Je joue aussi dans un groupe, les Cancoyote Girls, un trio féminin, chacune ayant un projet personnel. On a trois spectacles : celui où chacune reprend des chansons de son répertoire accompagnée par  les deux autres avec aussi des chansons de reprise qu’on aime bien, qu’elles soient  connues (Brassens) ou pas ; un spectacle « Chante Brassens » et « Chante Noël » avec nos propres chansons et la reprise de Petit garçon de Graeme Allright en punk.

Hexagone : On te voit très peu dans le Sud alors que tu tournes beaucoup . A qui doit-on ta présence à Albi ? 
Maggy Bolle :
Ma programmation ici est lié à Vlad, qui gère la caravane du Vladkistan. On s’est rencontrés il y a quatre ans, un coup de foudre : artistique, musical et amical. Quand il vient jouer chez nous, pour le décrire on dit : « Vlad, c’est Maggy Bolle en mec ». Et moi quand je vais chez lui, il dit : «  Maggy Bolle c’est Vlad en fille. » On tourne dans le Grand Est. Faut venir chez nous ! On joue au moins tous les week-end.

 Hexagone : Qu’as-tu envie de dire pour conclure ce petit entretien ?
Maggy Bolle :
J’ai rencontré Linda Bortolotto, une ancienne capitaine de gendarmerie qui a tout plaqué pour partir voyager à pied et sac à dos, en Sibérie, en Inde, une vraie aventurière. En ce moment, elle s’est lancé un défi : le « Tour de France de l’audace», elle court un marathon par jour, de ville en ville. Parfois comme à Besançon, elle fait une conférence sur l’audace. Alors ce que j’ai envie de dire, c’est que si tu as envie de faire alors FAIS. Un peu comme moi quand je me suis lancée avec mes quatre accords et mon envie.  T’occupe pas de ce que les autres pensent et disent. Si tu crois en toi, vas-y, ça vaut le coup. Sois audacieux.


Hexagonaute parisien, à voir sur scène : le 14 septembre Péniche El Alamein, les 16 et 17 à la fête de l’Huma. Hexagonaute des Dom Tom : elle sera en tournée à l’Ile de la Réunion en Novembre.

Un clin d’œil de remerciements à Patrick Boez qui m’a fait découvrir Maggy Bolle dans son émission Jambon-Beurre.

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